Table des Matières
Table des Matières
Page de Copyright
Julien Green chez Fayard
Epigraphe
PASSY
SAINT-JULIEN-LE-PAUVRE
« LES HAUTEURS DU SEIZIÈME »
UNE VILLE SECRÈTE
LE PALAIS-ROYAL
EN REGARDANT DES VUES DE FRANCE
LE VOYAGEUR
À NOTRE-DAME
PARIS DES ESCALIERS
LE VAL-DE-GRÂCE
LA VILAINE ÉCOLE
LE CLOÎTRE DES BILLETTES
LE TROCADÉRO PARLE
MUSÉES, RUES, SAISONS, VISAGES
PARIS ENCHANTÉ
CRIS PERDUS
PAYSAGE PARISIEN
ÉCOUTE, BÛCHERON...
LA VILLE SUR LA VILLE
PROMENADE D'ÉTÉ
INVENTAIRE DU FUTUR
Œuvres de Julien Green
© Julien Green, 1983,
et Librairie Arthème Fayard, 1995.
978-2-213-65264-1
Julien Green chez Fayard
ROMANS
Léviathan, 1993
Si j'étais vous... , 1993
Épaves, 1994
L'Autre, 1994
Adrienne Mesurat, 1994
Minuit, 1994
L'Autre Sommeil, 1994
Le Visionnaire, 1994
Le Malfaiteur, 1995
Varouna, 1995
Dixie, 1995
Le Mauvais Lieu, 1995
JOURNAL
On est si sérieux quand on a dix-neuf ans
(1919-1924), 1993
XV. L'avenir n'est à personne
(1990-1992), 1993
ESSAIS
Suite anglaise, 1995
Paris, 1995
Ce sont des villes...
Arthur Rimbaud
... la forme d'une ville Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel...
Baudelaire
La première édition de ce livre a paru aux éditions Champ Vallon en 1983.
Le texte qu'on lira ici a été augmenté et enrichi de vingt photographies prises par l'auteur.
J'ai bien des fois rêvé d'écrire sur Paris un livre qui fût comme une grande promenade sans but où l'on ne trouve rien de ce qu'on cherche, mais bien des choses qu'on ne cherchait pas. C'est même la seule façon dont je me sente capable d'aborder un sujet qui me décourage autant qu'il m'attire. Et tout d'abord, il me semble que je ne dirai mot des grands monuments et de tous les endroits où l'on s'attendrait à une description en règle. Pour les avoir trop regardées peut-être, je ne vois plus les gloires architecturales de Paris avec toute la liberté d'esprit nécessaire. Prévenu contre ou pour chacune d'elles, j'ai pris parti, je suis injuste.
J'ai mille fois souhaité la tour Eiffel au fond de l'eau, il me plairait d'apprendre que les deux Palais, grand et petit, qui déshonorent le Cours-la-Reine ont disparu dans la nuit. Mes préférences vont aux vieilles pierres, je ne le cache pas, mais je pleurerais d'ennui s'il me fallait écrire une page sur l'hôtel des Invalides, parce que l'aimant comme je fais, je ne saurais vraiment qu'en dire. De même, je resterais muet devant Notre-Dame, retenu de parler, sans doute, par la honte de ce que je m'entendrais dire, et j'admire sans l'envier le courage de ceux que leur suffisance ou leur génie lance à l'assaut d'un tel monstre ; pour ma part, j'aime mieux me taire, et Notre-Dame demeure pour moi Notre-Dame, un point, c'est tout.À mes yeux Paris restera le décor d'un roman que personne n'écrira jamais. Que de fois je suis revenu de longues flâneries à travers de vieilles rues, le cœur lourd de tout ce que j'avais vu d'inexprimable ! S'agit-il là d'une illusion ? Je ne le crois pas. Il m'arrive souvent de m'arrêter tout à coup devant telle grande croisée drapée de fausses dentelles, au fond d'un vieux quartier, et de rêver sans fin aux destinées inconnues qui se déroulent à l'abri de ces vitres noires. Mon regard distingue un petit bouquet qui change ou disparaît selon les saisons, placé au milieu d'une table que recouvre une étoffe sombre ; et c'est tout, mais c'est peut-être assez. Qui vit, qui meurt entre ces murs ? Pour un romancier, toute existence, fût-elle la plus simple, garde son irritant mystère, et la somme de tous les secrets que contient une ville a quelque chose qui tantôt le stimule et tantôt l'accable. Quel énorme gaspillage de situations, de mots, de coups de théâtre, de personnages, de mises en scène ! Comment ne pas s'émouvoir d'une telle concurrence ? Copier n'est pas possible. Il n'y a que les impuissants et les nigauds qui copient. Non, il s'agit de faire aussi bien, si l'on peut, avec des moyens à nous. Commence alors l'étrange supplice de la page blanche dans laquelle il faut ouvrir une fenêtre qui ne soit pas celle que j'ai vue tout à l'heure, mais d'une vérité aussi impérieuse.